Ma sensibilité au paysage puise ses racines dans les lieux de mon enfance, lieux dans lesquels j’ai vécu un bon nombre d’évènements et qui ont marqué mon imaginaire. Je suis native d’une région rurale naturelle du sud de la Moselle, le Saulnois. C’est dans cette région, et plus particulièrement dans le village de Marsal, que j’ai tissé un lien avec le paysage.

Enfant, je passais mon temps libre dehors, à explorer mon village et ses environs. Mes escapades hors de la maison, que je sois seule ou accompagnée, déclenchaient chez moi un curieux sentiment d’habitude et de découverte. En voici quelques fragments :

  • Les promenades et cueillettes de fleurs sauvages sur le chemin de Villers, l’été ;
  • La recherche de points de vue vers l’horizon depuis la Porte de France, un jour de brouillard ;
  • Le ramassage de briquetage dans les champs fraichement labourés ;
  • Les jeux et parcours dans les remparts boisés ;
  • Le ramassage de la salicorne dans les mares salées ;
  • Les fouilles sur les bords de la Seille à la recherche d’une ancienne via Romana ;
  • Les cueillettes de petits fruits sauvages sur les bords de chemin en allant au verger de mon père ;
  • Les vendanges dans les vignes familiales sur les hauts de Saint-Jean ;
  • La coupe de roseaux dans le marais proche de chez nous, pour construire une cabane.

De cette diversité de situations et d’expériences, je garde une profonde sensibilité aux lieux, à leurs forces naturelles ou artificielles et surtout à l’expérience que l’on en fait. Ce qui anime ma pratique c’est l’instant où je pars, investie d’une mission : celle de découvrir ou redécouvrir un site, un territoire. J’aime être en immersion, me laisser du temps pour ressentir et expérimenter in situ :

  • Observer les horizons,
  • Arpenter les lieux,
  • Consigner des informations tangibles et intangibles,
  • Ressentir la qualité du sol,
  • Sentir les variations topographiques,
  • S’arrêter et écouter,
  • Capter les jeux d’ombre et de lumière,
  • Relever les textures,
  • Lire les formes,
  • Comprendre l’espace du proche et du lointain,
  • Dessiner,
  • Rencontrer les habitants des lieux.

Être en immersion dans un paysage, c’est le moment où je vis toutes sortes d’émotions, où je me laisse surprendre, où je confronte mon imaginaire avec la réalité, un moment où je récolte tout un tas de données sensibles. Bref, c’est par l’expérience des lieux que je ressens un paysage, ses ambiances, son essence.

Si j’ai choisi la voie de l’architecture de paysage c’est sûrement pour son approche sensible et transversale de l’aménagement, une approche qui intègre plusieurs échelles de lieux et de temps. Ce qui anime ma pratique c’est de comprendre la relation entre un lieu et son grand paysage. C’est aussi réfléchir à la transformation d’un paysage ou de ses représentations, à partir des ressources des lieux. ­­