Ma curiosité, ce désir de découvrir les paysages, est née quelque part dans ma jeunesse, entre deux aventures, où chaque escapade nourrissait récits et légendes farfelues issues de l’imagination de mon père. En chaloupe dans les recoins du lac Champlain, nous étions dans la mangrove tropicale, entourés de chimpanzés malins. Dans les forêts enneigées de l’Estrie à la tombée de la nuit, un homme des neiges pouvait apparaître à tout moment. En plongée sous-marine, dans la mer des Caraïbes en Guadeloupe, nous étions à la recherche des débris de navires de pirates, ou encore mieux, de trésors oubliés. C’est à ce moment que j’ai bien saisi l’expression “une image vaut mille mots”.  Mes parents, un peu bohèmes selon moi, un peu nomades selon d’autres, m’ont amenée à explorer et vivre dans plusieurs lieux qui ont marqué mon enfance et les souvenirs que j’en garde aujourd’hui. J’ai su trouver un certain réconfort dans ces paysages, ce qui m’a permis de m’adapter et de tisser des liens avec ces lieux où j’ai vécu. Les paysages m’ont transporté et me transportent toujours, dans un mode de rêve, d’histoires et d’immersion vers l’inconnu. 

Les couleurs, textures, odeurs, toujours changeantes, qu’offre la nature, ne cessent de m’impressionner et de me fasciner. Le spectacle des changements des quatre saisons du Québec saura toujours m’éblouir. Les paysages écarlates d’automne, où les feuilles tombent doucement des arbres, pour soudainement laisser place à un paysage tout blanc, où seuls les végétaux les plus résistants au froid hivernal se laissent apercevoir. Ce désir d’aller à la recherche et d’explorer de nouveaux paysages a guidé mes pas et mes voyages. 

Éblouie par la beauté et le côté mystérieux des paysages, mon intérêt et ma sensibilité paysagère ont évolué au fil du temps. Le paysage, c’est plus que les milieux naturels de mon enfance. Ce sont les espaces publics, les lieux historiques et patrimoniaux, les villages, les milieux urbains et plus encore. À travers les paysages, il est possible de révéler l’histoire, la culture et l’identité des gens qui y vivent. C’est une occasion de créer un dialogue entre le passé, le présent et le futur à l’aide d’une trame narrative propre à chaque paysage, à chaque lieu. Ils offrent aussi l’opportunité de comprendre comment les populations se développent au sein de leur environnement et d’observer cette dualité entre paysage naturel et paysage construit. C’est aussi une opportunité pour conserver, protéger et verdir les milieux que nous côtoyons.

Ce qui me motive à poursuivre dans le domaine de l’architecture de paysage, c’est ce désir de démystifier et comprendre cette fine relation entre les paysages et la façon dont on les expérimente. C’est modeler un monde plus équilibré entre des espaces riches en biodiversité et les lieux habités de nos sociétés, afin d’améliorer la qualité de vie des citoyens. C’est aussi une volonté d’offrir des espaces accessibles pour aller à la rencontre de l’autre, échanger, partager et apprendre sur le monde qui nous entoure. C’est à travers ces connaissances et cette immersion dans le paysage que naît l’envie de protéger et de chérir les lieux importants pour notre futur.