S’il fallait que j’essaye de comprendre d’où me vient mon amour du paysage, il faudrait sans doute que je recule jusqu’à mon enfance, au bout de la rue McLaren Ouest, dans la petite ville de Buckingham, aujourd’hui fusionnée avec Gatineau. C’est dans cette petite ville, aux allures mornes, que mon amour du paysage a fleuri. 

Derrière la maison familiale, une forêt où je passais le plus clair de mon temps, j’y laissais libre cours à mon imagination; une roche devenait ma maison, un arbre mon meilleur ami, un étang, une mare maléfique. C’est ce lien intime que j’ai développé avec cette forêt qui alluma l’étincelle qui deviendra plus tard le moteur de mon amour pour le paysage. 

Mon intérêt pour les paysages provient également de ma fascination pour les récits qu’ils encapsulent. Cette fascination, je la dois à ma famille qui a bercé mon enfance de récits campés dans des lieux singuliers : les histoires de garde forestier de mon grand-père maternel sur la Basse-Côte-Nord, de ma famille paternelle partie de l’Andalousie vers Oran, celles de mon père dans les paysages moites des îles Sous-le-Vent de la Polynésie française et finalement celles de ma mère et de sa Côte-Nord natale. Ces récits, tout comme la forêt du bout de la rue, ont participé à construire mon imaginaire entourant la notion de territoire et m’ont éveillé à la poésie des paysages et leur pouvoir évocateur.

S’il fallait que j’explique d’où provient mon amour du paysage, il faudrait donc que je parle de mon amour pour les récits qu’il renferme. C’est d’ailleurs cet amour qui m’a initialement amenée à étudier la scénographie. Comment par un décor, peut-on participer à raconter une histoire? Telle était la question qui était le moteur de mon travail.  Aujourd’hui, je vois encore beaucoup de parallèles entre ce qui m’a attirée dans la scénographie et la profession d’architecte de paysage. Comment révéler les récits que renferment les paysages, comment les partager et ultimement comment contribuer à bâtir ou rebâtir une intimité entre les paysages et les gens qui les parcourent?  Telle est la quête qui me guide à travers mon travail, parce que je crois fermement que connaître un paysage dans ses plus fines facettes, c’est l’aimer, vouloir le protéger et le partager. C’est d’ailleurs, en quelques mots, ce qui résume aujourd’hui le travail que nous menons aux Mille Lieux.